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" Combat de Pontlieue ", nom de baptême de la 128ème promotion - 2021 - 2023

Vie des Promotions

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30/06/2022

Auteur : le colonel Nicolas Bénévent - publié le 12 janvier 2021 dans GENDinfo


Illustration de Louis Bombled - Grenest, L'armée de la Loire, tome 2, Paris, Garnier Frères, 1893, p. 865.

© Tous droits réservés


Le combat de Pontlieue du 12 janvier 1871 constitue le dernier épisode de la bataille du Mans. Il marque la défaite de la 2e armée de la Loire face à la IIe armée prussienne et préfigure la fin de la guerre franco-allemande. Mais c’est aussi l’une des plus belles pages de gloire de la gendarmerie. 150 années ont passé depuis cette terrible journée qui a vu un régiment de gendarmes s’illustrer au combat face à un ennemi très supérieur en nombre.

Depuis le début de la guerre, en juillet 1870, les Français essuient revers sur revers. Paris est encerclé par les forces allemandes, et l’armée supposée voler à son secours – la 2e armée de la Loire du général Chanzy – est sans cesse refoulée vers le sud par la IIe armée prussienne du prince Frédéric-Charles.

À la date du 19 décembre, la 2e armée de la Loire s’est réfugiée au Mans, où elle entend ne plus céder un pouce de terrain. Elle s’est installée en arc de cercle autour de la ville, le 21e corps d’armée au nord, le 17e à l’est et le 16e au sud. Seuls les gendarmes sont autorisés à cantonner dans la ville. Le régiment de marche de gendarmerie à pied et le 1er régiment de marche de gendarmerie à cheval sont regroupés depuis le 27 décembre au sein de la brigade de réserve du grand quartier général. Ils sont placés sous l’autorité du général Bourdillon, un officier énergique et compétent.

Veillée d’armes

Principalement affectés à des missions de police militaire et d’escorte de convois, ils ne prennent pas part aux premiers combats qui se déroulent autour de la cité sarthoise à partir du 10 janvier 1871. Ils n’en jouent pas moins un rôle essentiel dans le dispositif de défense : ils se portent à un kilomètre de la ville, interceptent les fuyards et leur assignent de nouveaux postes de combat. Toutefois, le 11 janvier au soir, ils comprennent que la 2e armée de la Loire se trouve dans une situation critique. Après avoir magnifiquement résisté à l’est, celle-ci s’est laissé surprendre au sud, et elle plie à présent de tous côtés. La retraite est décidée dans la nuit.

Le 12 janvier au matin, le général Chanzy donne l’ordre suivant au général Bourdillon : « Deux bataillons de gendarmerie à pied s’établiront solidement au carrefour de Pontlieue avec une batterie du 16e corps, laisseront défiler toutes les troupes et se porteront après le défilé au pont de l’Huisne, qui sera barricadé par le génie de la réserve et défendu jusqu’à la dernière extrémité par la gendarmerie. »

Cela revient à demander aux gendarmes de se sacrifier pour le salut de l’armée. Ces derniers rejoignent vers 11 heures et demie le bourg de Pontlieue, où ils élèvent des barricades avec des sacs d’avoine. Ils assistent à la retraite du 16e corps d’armée, puis au minage du pont par une compagnie du génie. Leur calme et leur sang-froid font impression sur les soldats retraitant vers le centre-ville du Mans. Le sergent Denis Érard, du 33e régiment de mobiles de la Sarthe, témoigne : « Ces braves gens, impassibles, laissaient passer le torrent et se préparaient à disputer l’entrée de la ville à nos vainqueurs. Quel contraste entre cette troupe disciplinée, bien aux mains de ses chefs, et la débandade générale. »

Les gendarmes du 1er régiment de marche de gendarmerie à cheval sont quant à eux employés à l’escorte des convois d’artillerie qui se replient à travers la ville et remontent vers le nord pour s’abriter derrière la Sarthe. Cette mission est rendue délicate par l’encombrement des rues et l’indiscipline des troupes. Un peloton est néanmoins laissé au carrefour de Pontlieue pour parer à toute éventualité.


© D.R.


L’attaque allemande

L’ennemi paraît aux alentours de 13 heures. Son avant-garde – la XXe division prussienne – se répand sur la rive droite et entame une attaque en règle du carrefour de Pontlieue, avec le soutien de son artillerie. Des masses d’infanterie cherchent à forcer le passage sur le pont ; elles sont à peine ralenties par l’explosion déclenchée par le génie, car la charge, mal préparée, ne met à bas que les parapets. Elles ne sont pas davantage inquiétées par les deux mitrailleuses qui avaient été mal positionnées et qui se replient à présent assez piteusement.

Sur la rive gauche, les gendarmes à pied sont désormais seuls à soutenir la lutte. Les 1re et 2e compagnies du 1er bataillon se déploient en tirailleurs et entretiennent un feu nourri pour empêcher leurs adversaires de franchir l’Huisne. La 4e compagnie constitue une deuxième ligne de défense en se retranchant dans les jardins des maisons avoisinantes. Le reste du régiment se tient en réserve, 200 mètres en arrière, dans une petite rue perpendiculaire à la grande rue de Pontlieue. Parfaitement adapté au terrain, ce dispositif brise l’élan des bataillons prussiens, pourtant très supérieurs en nombre. Les fusils Chassepot des gendarmes portent jusqu’à 1 200 mètres et peuvent nourrir un feu à hauteur de 7 coups par minute. L’ennemi a beau renouveler ses attaques, le verrou tient entre une et deux heures, selon les estimations. Cette résistance inattendue permet aux derniers trains de blessés de quitter la gare et d’échapper à la capture.

Les combats de rue

Cependant, la position des gendarmes devient intenable lorsque les Prussiens réussissent à franchir l’Huisne après avoir découvert d’autres passages. Craignant d’être coupé de sa retraite, le général Bourdillon fait exécuter un repli en bon ordre. Le mouvement s’effectue de manière échelonnée. Les trois compagnies de la première ligne sont les dernières à se désengager. Trois colonnes allemandes s’engouffrent dans la ville à leur suite. Des combats de rue ne tardent pas à éclater un peu partout dans Le Mans. Des habitations sont transformées en de petites forteresses ; sept d’entre elles sont incendiées par les Prussiens.

Si les 1re et 4e compagnies parviennent à rallier le régiment au nord de la ville, la 2e compagnie est talonnée par l’ennemi et contrainte de se scinder en deux. La 2e section, commandée par le sous-lieutenant Garnier, atteint péniblement la place des Halles, où elle stoppe sa progression et organise la résistance, avec le concours de mobiles et de francs-tireurs. Elle se retrouve finalement cernée dans la rue Dumas. Prise entre deux feux, elle refuse de se rendre et est anéantie au terme d’un combat héroïque. Garnier tire 18 coups de revolver avant d’être blessé et capturé.

La bataille du Mans s’achève sur cet épisode. Soucieux d’arrêter l’effusion de sang, le maire de la ville se porte à la rencontre des chefs prussiens pour leur arracher un cessez-le-feu. Les deux régiments de gendarmerie suivent la 2e armée de la Loire dans sa retraite vers Laval. Les gendarmes à pied sont les plus durement éprouvés : ils déplorent la perte d’un officier – le sous-lieutenant Garnier – et de 103 hommes, tués ou disparus. Un autre officier, le capitaine Parmentier, décédera de ses blessures le 16 janvier. Il reste que leur résistance a permis de sauver une grande partie des trains de blessés qui n’avaient pas encore quitté la gare du Mans. La défaite de la 2e armée de la Loire aurait été incontestablement plus lourde sans leur sacrifice.





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