Défis et enchantements du service en Outre-Mer
Parmi les nombreuses opportunités que propose la gendarmerie, la possibilité de servir en unité dans un territoire d'outre-mer figure parmi les plus exaltantes. Bien souvent stéréotypée aux seuls climats et paysages de carte postale, l'affectation Ultramarine est plus dense et plus enrichissante à bien des égards.
Le métier de gendarme y est une expérience unique, mêlant engagement professionnel, diversité culturelle et défis spécifiques. Ce service au sein de territoires éloignés de la métropole présente des avantages et des inconvénients distincts qui constituent le quotidien du gendarme.
Inventaire sur les avantages et les complexités d'une affectation pas comme les autres.
L'affectation en outre-mer est au préalable un acte de volontariat. Il consiste à se positionner sur un plan annuel de mobilités au titre des outre-mer en les classant par ordre de préférence d'affectation. En entretien avec l'officier référent du groupement permet ensuite de statuer sur la compatibilité du militaire aux contraintes de ce temps de service spécifique. Le gestionnaire, en bout de parcours, sélectionne et répartit les candidats selon les profils recherchés.
J'ai eu pour ma part la chance de servir en Guadeloupe en unité territoriale du mois d'août 2021 à août 2022, au cœur d'une période dense sur le plan sécuritaire. C'est durant cette brève expérience que j'ai pu profiter des avantages mais aussi relever les défis que propose une telle affectation.
Demander l'outre-mer, c'est avant tout, et de facto, consentir à l'isolement géographique. Il en résulte un éloignement du cercle familial et amical qu'il faut assumer, avec parfois des contraintes pour communiquer avec ses proches (le décalage horaire peut monter jusqu'à 11 heures avec la Polynésie à titre d'exemple). Parfois, cet isolement est accentué au regard de l'implantation même de l'unité sur le territoire. Une double insularité aux Antilles ou en Polynésie, une forêt dense en Guyane, une distanciation importante avec la prochaine unité en Nouvelle Calédonie, peut augmenter ce sentiment avec lequel le gendarme doit composer quotidiennement.
A cette mise à l'écart volontaire s'ajoute la nécessité de s'acclimater. Le nouvel arrivant doit composer avec des températures bien plus élevées que les moyennes métropolitaines, ce qui requiert un temps d'adaptation. Mais qu'il soit humide ou sec, tout le monde s'habitue au chaud! Même moi, de ma terre angevine, connue pour la douceur de son climat, ai réussi à m'adapter à la rigueur du climat!
Le plus gros défi de ces contrées lointaines réside dans l'aspect professionnel avec une délinquance et une criminalité bien supérieure à la moyenne nationale. En outre-mer, l'événement monte très rapidement en intensité et requiers une solide expérience préalable et beaucoup de sang froid pour y faire face. Bien souvent, des faits du haut du spectre d'intensité qui seraient traités en métropole par des unités d'échelon supérieur sont pris en compte par les unités élémentaires tant le quotidien est dense. Un tel flux exige une grosse faculté d'adaptation du gendarme qui doit par ailleurs redoubler de vigilance sur le terrain dans un contexte souvent plus violent à son encontre que dans l'hexagone.
Il lui est par ailleurs demandé une forte polyvalence tant les missions qui lui sont confiées peuvent être variées. Une société à vif et un climat sous tension peuvent générer des épisodes de forte contestation sociale et de violentes émeutes comme ce fut le cas en Guadeloupe en fin d'année 2021. Manifestations violentes, pillages, barrages et barricades ont ravagé l'île pendant de longues semaines au cours desquelles l'action des gendarmes a été mise à rude épreuve. Un gendarme de brigade territoriale peut alors se trouver projeté en maintien de l'ordre aux côtés d'escadrons de gendarmerie mobile. A la pelle et au râteau, il démantèle barrages et barricades pour rétablir la circulation sur les axes de grands passages. Avec sang-froid, il convie une population, parfois hostile envers lui, à rester chez soi pour revenir au calme. En abnégation, il renonce à ses jours de repos pour assurer la sécurité sans discontinuer... Lorsque la plupart des services publics ne peuvent plus assurer leurs fonctions, la gendarmerie se trouve alors seule en première ligne.
Mais de tels enjeux sont bien peu de chose à côté de l'émerveillement qu'offre la vie dans ces contrées!
La culture d'abord. Servir en outre-mer, c'est aussi choisir le dépaysement culturel. Dans les outre mers français des quatre coins du monde résident des populations vivant selon des us et coutumes singulièrement différents de ceux de la métropole et constitue, en ce sens, un enrichissement exceptionnel sur le plan humain. En tant que gendarme, cela offre l'opportunité d'interagir avec des communautés variées, enrichissant ainsi la compréhension interculturelle. La Guadeloupe pour ne citer qu'elle, est le carrefour de cultures d'influence créole, indienne et métropolitaine et implique de s'intéresser et de comprendre les spécificités de chaque communauté.
Les Antilles, par ailleurs, sont connues pour leurs festivités animées, notamment les carnavals colorés et les festivals culturels. Que l'on soit de passage ou non, tous sont invités à participer à ces événements, offrant ainsi une occasion de profiter pleinement de la joie de vivre locale.
L'accueil ensuite. L'hospitalité des territoires ultramarins est proverbiale et la générosité de leurs populations jamais démenties! Cet accueil est en lui-même une expérience immersive qui va au-delà du simple geste de courtoisie. Il est ancré dans la culture locale et constitue une part essentielle de l'identité des habitants de ces magnifiques régions. S'ouvrir à ces populations, découvrir leur culture, goûter leur cuisine, célébrer leurs fêtes, c'est sans aucun doute repartir plus riche avec, en mémoire, des souvenirs durables.
Les paysages enfin. De ce point de vue, les cartes postales disent vrai. Les plages sont paradisiaques, la flore luxuriante et la faune, sous l'eau et dans les forêts, fascinante. Qui aime le grand air et l'aventure s'y sent au paradis! Les escapades et activités sont nombreuses, entre plongée sous-marine, randonnées en forêt et farniente relaxante.
Pour conclure, servir en tant que gendarme en outre-mer, c'est le choix d'une expérience professionnelle stimulante. C'est l'assurance de grandir à la fois humainement et professionnellement d'autant plus que, l'éloignement aidant, la cohésion entre les militaires d'une même unité y est plus forte qu'ailleurs. J'ai pour habitude de dire que j'ai davantage appris en un an à servir en Guadeloupe qu'en cinq en métropole.
D'abord, sur moi-même. En fortifiant ma résilience, mon autonomie, en acceptant les petites contraintes et l'isolement du cercle familial et amical.
Ensuite professionnellement. C'est une année où j'ai grandi dans plusieurs domaines, en m'adaptant au fonctionnement et au métier de la brigade venant d'une unité de sécurité routière, en découvrant l'outremer, territoire à forte demande sécuritaire tout en faisant mes premières armes en tant qu'Officier de Police Judiciaire. Y servir en tant que gendarme implique en effet de comprendre les enjeux et la population pour travailler avec discernement et davantage de rigueur
Enfin culturellement. Quel enrichissement au contact de ce petit bout de France à presque 7000 kilomètres de nos côtes! De ce climat éprouvant, qui nécessite souvent un temps d'acclimatation à des métropolitains habitués au climat tempéré. De cette population, au fort caractère mais un cœur d'or. De ces paysages idylliques et fascinants...
A vous qui hésitez à franchir le pas, levez la main! Passez le cap ! Des trésors de culture, de rencontres et d'enrichissement personnel vous attendent au-delà des mers.
Bien sûr, l'acte de volontariat doit être mûri et réfléchi. Ce choix est engageant, tant pour le militaire que pour sa famille et implique que celle-ci en accepte les contraintes. Le choix du départ doit ainsi être un juste équilibre entre l'épanouissement du gendarme et celui de sa famille qui devra souvent composer avec une vie plus chère et des infrastructures plus rares qu'en métropole. Mais tous, militaires, femmes, maris et enfants, en reviennent enchantés !
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